Chapitre 2 : Quelle action publique pour l'environnement ?
Action publique : Action des pouvoirs publics (lois, réglementations, discours, campagne de communication….) en vue de traiter les problèmes publics inscrits à l'agenda politique
L’environnement=le capital naturel « Les espaces, ressources et milieux naturels, les sites et paysages, la qualité de l’air, les espèces animales et végétales, la diversité et les équilibres biologiques auxquels ils participent »= biens environnementaux
1.Comment les acteurs réussissent-ils à faire prendre conscience des enjeux environnementaux ?
1.1Les différents acteurs qui participent à la construction des questions environnementales
Ces acteurs entretiennent des relations de coopération et de conflit avec les pouvoirs publics.
Conflit : affrontement entre acteurs aux intérêts opposés
Coopération : comportement où chacun poursuit ses intérêts en prenant en compte ceux des autres.
Les actions associatives peuvent prendre différentes formes : des actions de non coopération visant à rejeter une décision (boycott, désobéissance civile, sabotage…), des actions directes défensives (occupation, sit-in, interposition…), des actions directes offensives (actions « coups de poing », lobbying) pour faire pression et prouver qu’un changement social est possible, des actions de sensibilisation pour provoquer une prise de conscience nécessaire à toute participation (actions conviviales de bals, colloques…).
Pouvoirs publics= Ensemble des services chargés du gouvernement et de l’administration d’un État, ou d’une collectivité locale ou territoriale.
Les pouvoirs publics ont la responsabilité de la mise en œuvre effective des politiques publiques.
Mouvements citoyens= action collective rassemblant des citoyens autour d’intérêts communs. Par exemple, La marche pour le climat menée par Greta Thunberg ou les démarches des blogueurs ou influenceurs sur les réseaux sociaux contribuent à diffuser les problématiques environnementales. les relations entre les acteurs peuvent être très conflictuelles ou coopératives (propositions par exemple). Leurs actions permettent d’ancrer la problématique environnementale dans le débat public.
Partis politiques
Les partis écologistes s’efforcent de construire un débouché politique aux mouvements citoyens. Les mouvements écologistes émergeant dans les années 1970 ont vite investi le terrain électoral comme moyen d’action participant à une politisation de l’écologisme. Néanmoins, au cours du temps, leurs résultats sont restés modestes (sauf aux élections européennes). Depuis les années 1990, les partis traditionnels ont intégré la préservation de l’environnement dans leur programme, prouvant ainsi que celui-ci est devenu un problème public.
ONG= Organisation à but non lucratif, de dimension internationale, indépendante des pouvoirs publics, qui se mobilise pour défendre une cause d’intérêt général. Leur fonction est de sensibiliser l’opinion publique et les pouvoirs publics, par des relations de coopération et/ou de conflits, afin d’inscrire les problèmes environnementaux à l’agenda politique
Experts= Les experts scientifiques alertent les différents décideurs par leurs résultats scientifiques. Ex GIEC. Ils participent à la construction des questions environnementales comme problème public et à leur mise à l’agenda politique.
Les entreprises : La prise de conscience des questions environnementales incite les entreprises à adapter leurs stratégies en prenant en compte l’environnement. Elles peuvent chercher à développer une bonne image et/ou une éthique environnementale. Les associations pointent à la fois les nuisances environnementales (exemple : diverses actions de Greenpeace contre Total) mais également l’utilisation de l’environnement comme moyen publicitaire mensonger (Greenwashing). Certaines entreprises cherchent, via leurs organisations représentatives, ou par des actions de lobbying, à bloquer certaines réglementations environnementales qui seraient coûteuses pour elles. (ex néonicotinoïdes pour les betteraviers)
1.2 L’action publique pour l’environnement articule différentes échelles
Echelle locale, nationale, européenne, mondiale
Les engagements internationaux (par exemple le sommet de Rio) influencent les décisions.
La politique européenne a un rôle décisif et contraignant quant au respect des normes imposées (par exemple la directive européenne sur l’interdiction des plastiques à usage unique).
L’action des collectivités locales est centrale dans la mise en œuvre des politiques environnementales (péages urbains, transports en commun, circulation alternée, développement des voies cyclables...) et pour mobiliser et coopérer avec les associations, les entreprises ou les citoyens.
Les grands accords internationaux peuvent impliquer une démarche descendante (« top down ») Le protocole de Kyoto (1997) est caractérisé par une approche descendante. Les engagements sont juridiquement contraignants pour les pays marché qui doivent respecter des objectifs chiffrés en termes de réduction ou de limitation des émissions de gaz à effet de serre, chacun répercutant ces objectifs au niveau de son pays.
Mais aujourd’hui la démarche est de plus en plus souvent une démarche ascendante (« bottom up »), par exemple avec la conférence de Copenhague (2009) et l’accord de Paris (2015) : réunion d’un grand nombre d’acteurs faisant des propositions pour la signature d’un accord commun.
L’action pour l’environnement nécessite la coordination de ces différentes échelles d’actions.
1.3Comment ces acteurs arrivent à mettre les questions environnementales à l’agenda politique ?
Les questions environnementales n’ont pas toujours été considérées comme un problème public, c’est-à-dire un problème politique perçu comme nécessitant l’intervention des pouvoirs publics (qui sorte des préoccupations privées, personnelles,)
Cette mise à l’agenda politique des questions environnementales, c’est-à-dire le fait que leur prise en compte appelle et justifie une intervention publique, nécessite qu’elles soient perçues comme un problème public.
La construction d’un problème public nécessite qu’ un ensemble d’acteurs privés et publics interagissent afin d’imposer leur représentation d’un enjeu et l’interprétation qu’ils en font, pour influer sur l’orientation et les moyens d’une possible action publique.
La construction des problèmes publics environnementaux s’est effectuée par la mobilisation (mouvements sociaux, collectifs d’experts…) et la participation de nombreux acteurs qui entretiennent des relations de coopération mais aussi de conflit .
2. Les principaux instruments dont disposent les pouvoirs publics pour faire face aux externalités négatives sur l’environnement
Politique climatique : ensemble des mesures mises en œuvre par les pouvoirs publics pour limiter le réchauffement climatique
Externalité négative : Conséquence néfaste que l’activité d’un agent économique a sur le bien-être d’un autre agent sans que le premier ne verse de compensation au second en dédommagement.
La réglementation est un instrument qui repose sur la contrainte alors que les autres sont plutôt incitatifs.
2.1 La réglementation
Réglementation écologique = mise en place de lois par les pouvoirs publics pour protéger l’environnement.
Par exemple, une norme technique qui vient interdire ou restreindre l’utilisation d’un produit polluant ou la norme carbone dans l’automobile
La règle et le coût éventuel de l’amende sont fixés par les pouvoirs publics et elle est la même pour tous les acteurs économiques quel que soit leur coût de dépollution.
Les avantages de cet instrument :
-il est facile à mettre en place
-il est efficace surtout s’il cible une source d’émission identifiée, qu’il est coordonné au niveau international et s’il existe une technologie de substitution.
Ses inconvénients :
-la réglementation n’incite pas les agents à faire mieux que la norme.
-La réglementation est compliquée à mettre en place en cas de pollutions hétérogènes
-son efficacité reste limitée en matière environnementale si les lois ne s’appliquent pas au niveau international (paradoxe du passager clandestin)
-il peut y avoir un effet rebond, c’est-à-dire la surconsommation d’un autre produit, pas forcément moins polluant.
-Elle suppose qu’il existe un produit de substitution ou une alternative
La réglementation permet de faire face aux externalités en empêchant l’agent émetteur de polluer.
2.2 la taxation
La taxation écologique : mise en place d’une politique fiscale visant à augmenter le prix relatif de certains produits afin d’inciter les agents économiques à en diminuer leur consommation et à faire des choix plus favorables à l’environnement
L’objectif est d’internaliser les externalités en faisant entrer dans les coûts les conséquences des externalités négatives dont les acteurs sont à l’origine. C’est le principe du pollueur payeur
Ici, les agents économiques sont incités à moins consommer de produits polluants ou à dépolluer mais ils ne sont pas obligés.
Les avantages de cet instrument :
-il permet un effet de substitution des produits moins polluants
-une augmentation des recettes fiscales qui peut être utilisée pour compenser l’augmentation du coût pour certains agents.
-il incite à la création de secteurs d’activité innovants en matière d’environnement
Ses inconvénients :
-la taxation fait augmenter les coûts pour les ménages et pour les entreprises, ce qui peut baisser leur compétitivité-prix.
-l’augmentation des prix pénalisent surtout les agents les plus pauvres (on dit que c’est une taxe régressive).
-elle vient détruire certains secteurs d’activité
-Elle est difficile à mettre en place au niveau international.
2.3 Les subventions à l’innovation verte
Les subventions : ce sont des aides monétaires accordée par les pouvoirs publics à un ou plusieurs agents.
Exemple : les subventions à l’agriculture biologique
Les subventions à l’innovation visent quant à elles à internaliser les externalités positives, en assurant la prise en charge par la collectivité d’une partie du surcoût privé supporté par un producteur d’externalité positive
Les avantages des subventions :
-elles permettent à certains secteurs innovants et /ou stratégiques de se développer en les aidant en gagner en compétitivité-prix grâce aux économies d’échelle.
-Elles ont un effet incitatif et peuvent être ciblées.
Ses inconvénients :
-elles ont un coût non négligeable pour les finances publiques
- elles peuvent créer un effet d’aubaine, c’est-à-dire aider les agents à acheter un bien qu’ils auraient de toutes façons acheter
-elle ne garantit pas que ce bien soit produit en France. Elle peut donc faire augmenter les importations plutôt que la croissance économique.
2.4 Le marché des quotas d’émission
Marché des quotas d’émission : création d’un marché sur lequel les entreprises peuvent vendre et acheter des permis d’émettre du C02.
L’Union Européenne a attribué à l’avance des quotas d’émission aux grandes entreprises (2005). C’est une manière de créer des droits de propriété sur les émissions de CO2, chaque entreprise étant propriétaire d’une certaine quantité de ces droits à polluer. Ils sont ensuite échangés sur un marché, les entreprises polluant moins que leurs droits vont offrir des quotas sur le marché et celles polluant plus vont en acheter.
On internalise les externalités en donnant un prix à la pollution mais contrairement à la fiscalité le prix n’est pas fixé par les pouvoirs publics mais par les mécanismes du marché.
Les avantages de cet instrument :
-Le marché des quotas a permis l’émergence d’un prix et d’un marché de référence mondiale.
-Il permet aux entreprises de moduler leurs émissions de CO2 en fonction de leurs possibilités techniques et de leurs besoins.
Ses inconvénients :
-il n’est applicable qu’à un petit nombre de grandes entreprises, sur un type de pollution.
-Aujourd’hui, la faible demande de droits à polluer, résultat du bon comportement des entreprises a fait fortement baisser le prix de la tonne de CO2, rendant ce système peu incitatif.
-De plus, la création d’un marché des quotas d’émission correspond à une marchandisation de l’environnement, car il rend marchand un bien commun non marchand (le droit de polluer), ce qui est discutable.
Conclusion :
Les différents instruments de la politique environnementale sont complémentaires :
-La réglementation est facile à mettre en place. Mais, elle n’est pas souple, car elle s’applique de la même façon à des entreprises ayant des coûts de dépollution différents.
-La fiscalité (taxation et subvention) permet de tenir compte de cette différence entre entreprises ; les entreprises pour qui l’effort de dépollution est moins dure sont incitées à réduire d’autant plus leurs émissions ; de plus, les recettes peuvent permettre de subventionner les entreprises.
-Mais l’inconvénient est qu’avec une écotaxe, l’Etat ne sait pas au départ de combien va baisser la pollution, car cela va dépendre de la réaction des ménages et entreprises.
-De plus, la réglementation et la taxe fonctionnent qu’à l’échelle nationale, or bien souvent les enjeux environnementaux sont mondiaux.
=> il est donc nécessaire de combiner ces instruments avec en plus une dimension internationale
3. Quelles sont les contraintes qui pèsent sur les négociations et les accords internationaux liés à la préservation de l’environnement ?
Bien commun= Bien dont on ne peut empêcher un « passager clandestin » de l’utiliser (non excluabilité), mais dont la consommation par une personne, diminue les quantités ou la qualité disponibles pour les autres (rivalité).
Les biens communs doivent être gérés à une échelle internationale ou bien à l’échelle d’une communauté liée par des relations de confiance permettant à ses membres de partager la ressource, donc d’établir des droits de propriété sur la ressource partagés (des communs), mais aussi des règles communes de gestion et de préservation de la ressource sur le long terme.
3.1 1°contrainte : les stratégies de passager clandestin
Passager clandestin : Situation d’un acteur économique qui espère obtenir les gains d’une action collective sans en avoir supporté les coûts.
Pour contrer le réchauffement du climat, il faut agir sur le volume global des émissions de gaz à effet de serre. Pris individuellement, chaque émetteur a la tentation de retarder au maximum son entrée dans un jeu coopératif pour bénéficier en « passager clandestin » des actions précoces engagées par les autres acteurs.
Les négociations, quand elles sont fondées sur la coopération, sont particulièrement touchées par le comportement de passager clandestin. La convention climat, adoptée en 1992 puis ratifiée par la quasi-totalité des pays du monde (196 parties), pose les fondements de la coopération internationale face au changement climatique. La négociation se réalise dans le cadre de la conférence des parties (COP).
Plusieurs phénomènes de passager clandestin se sont produits suite au protocole de Kyoto. Les États-Unis n’ont pas ratifié le protocole et ont entraîné avec eux les Australiens (qui l’ont ratifié seulement en 2007). Le Canada s’est retiré en 2011 car les États-Unis et la Chine, les deux pays les plus émetteurs, n’étaient pas impliqués dans les efforts à consentir.
Les pays émergents n’étant pas soumis aux engagements ont, par ailleurs, fortement augmenté leurs émissions à ce moment.
3.2 2° contrainte : les inégalités de développement entre pays
Les pays PED n’étaient pas soumis aux contraintes du protocole puisqu’ils n’étaient pas considérés comme les principaux responsables des émissions de gaz à effet de serre ; de plus, on leur reconnaissait un droit prioritaire au développement.
Aujourd’hui, cependant, les États émergents, du fait de leur développement économique, contribuent autant que les pays industrialisés aux émissions globales, même s’ils restent, pour la plupart, encore loin derrière en termes d’émissions par habitant.
Depuis 2011, les conférences internationales sur le climat visent donc à poser les bases d’un accord qui associerait l’ensemble des pays à la maîtrise des rejets de GES, suivant les engagements volontaires de chaque État avec un principe de différenciation : les pays développés se voient affecter des objectifs de réduction des émissions en chiffres absolus à l’échelle de leur économie, alors que les pays en développement sont encouragés à passer progressivement à des objectifs de réduction en fonction de leur économie.
De plus, les pays développés doivent contribuer financièrement à hauteur de 100 milliards de dollars par an dès 2020 à un fonds (fonds vert pour le climat) destiné à aider les PED à financer leur politique climatique